Mercredi 12 octobre 2022 s’est tenue la deuxième édition de la journée parlementaire pour la résilience alimentaire des territoires. Sous forme de trois tables rondes, 12 intervenants ont contribué à des échanges de qualité ponctués de questions pertinentes des participants.
Dans un contexte de crise (géopolitique, pandémique, climatique), l’urgence d’agir n’est plus à démontrer, et des solutions existent. Cette matinée a permis de prendre conscience de la multiplicité des acteurs, infrastructures et réseaux qui œuvrent et s’inscrivent dans une démarche constructive pour un système plus résilient. Le projet est colossal mais les initiatives sur nos territoires sont très nombreuses et prometteuses. Cette diversité d’acteurs qui travaillent collectivement est la promesse d’une transition réussie. Elle inspire et motive pour contribuer au lancement de projets semblables !
Si aujourd’hui d’autres pays ont besoin de notre soutien alimentaire, demain c’est peut être nous qui aurons besoin du leur. ”
Marc Fesneau, Ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire
La France possède tous les atouts pour être moteur sur ce sujet, restaurer sa souveraineté alimentaire et rester une puissance agricole tout en promouvant des modèles résilients et réplicables.
Pour cette deuxième édition, fort du consensus scientifique sur la nécessaire résilience alimentaire, nous avons voulu redonner du pragmatisme à l’idéal et nous focaliser sur ce qui est sujet à débat : comment penser une résilience à tous les niveaux ?
La Résilience alimentaire nécessite une réorganisation des échelles d’action.
La Résilience Alimentaire est nécessairement transversale, solidaire et co-construite »
Maguelone Pontier, directeur du MIN de Toulouse
La résilience alimentaire a pour principal objectif d’offrir massivement aux consommateurs les moyens concrets de choisir une alimentation accessible, adaptée, et en quantité suffisante et ce, quels que soient les aléas extérieurs. L’approche spatiale vise un meilleur accès à l’offre alimentaire durable pour tous et partout. La question de l’accessibilité concerne autant les prix que la répartition de l’offre sur l’ensemble du territoire.
Aujourd’hui, l’enjeu numéro 1 pour nous est de mettre à la portée de tous, des produits bio issus du territoire et surtout de rémunérer justement les paysans.
Eric BRAIVE, Président Coeur d’Essonne.
La rémunération des agriculteurs et la juste répartition de la valeur est l’une des clés de voûte de la résilience alimentaire. L’enjeu est de réussir à capitaliser sur les richesses du territoires (humaines, économiques et environnementales), avec pragmatisme quant au financement, au juste prix et à la main d’œuvre disponible.
Cet accès se veut physique, culturel, social, mais concerne aussi l’accès à l’information. Éduquer, rassembler les outils et indicateurs de la résilience alimentaire et mettre en relation le public avec un réseau d’acteurs est le but des initiatives portées par le CNRA.
Le savoir est le plus de chacun, il ne peut que tirer vers le haut »
Temanuata GIRARD, vice-présidente déléguée à l’Agriculture et à l’alimentation région Centre Val-de-Loire.
LA RÉSILIENCE ALIMENTAIRE NÉCESSITE LA REINTEGRATION DU TEMPS LONG.
Ce n’est pas en tirant sur une plante qu’on la fera pousser plus vite. »
Jean-Guénolé Cornet – Président fondateur de Neosylva
Pour s’orienter vers la résilience alimentaire, l’enjeu réside en partie dans la réconciliation du temps court de l’action (notamment politique et financière) et du temps long de l’agriculture. Afin d’agir en ce sens, il est important de projeter les scénarios du GIEC à une échelle ultra-locale pour se sentir concerné puis identifier les leviers concrets à mettre en place pour chaque activité sans oublier la question primordiale du financement. Pour se faire, être formé et accompagné dans le chemin de la résilience est nécessaire.
Pour que chacun se transforme, il faut que chacun se sente concerné. »
Capucine Laurent, Responsable du fond AXA Climate pour l’Agriculture.
Toutefois, la transition se voit parfois confrontée à des résistances. Il est donc nécessaire de prendre le temps de comprendre à la fois ses enjeux, et les avantages que chacun peut en tirer. Le changement peut faire peur, et l’étude risques/bénéfices est nécessaire pour aborder ces questions avec une attitude ouverte constructive. Une approche collaborative avec les différents acteurs est plus motivante et encourageante, elle permet aussi de se rendre compte du pouvoir de changement du collectif et du gain potentiel en terme d’efficacité économique.
La transition (en agroécologie) c’est environ 60 – 70% d’humain et le reste, c’est de la technique. «
Sébastien Roumegous, Président de Biosphères
La thématique de la fertilité des sols est centrale, et cela explique en particulier la nécessité de prendre en compte le temps long : c’est le pilier d’une agriculture durable !
Pour autant, l’éducation et la formation sont incontournables dans le processus de transition et s’inscrivent elles aussi dans le temps.
« L’éducation est l’une des armes les plus puissantes pour changer le monde » Nelson Mandela
La réconciliation du temps long dans un contexte d’urgence climatique peut cependant interroger. Il faut en effet agir le plus rapidement possible, mais surtout de la bonne manière et dans la bonne direction. Avoir une vision long terme et mettre en place une forme de planification permettra aux entreprises de transitionner plus sereinement.
Enfin il ne faut pas oublier que nous sommes tous des acteurs de la solution et que nous avons chacun notre rôle à jouer, afin de contourner le triangle de l’inaction. Avoir conscience des enjeux n’est pas suffisant, c’est par la collaboration que le pouvoir d’agir ensemble est possible en ne perdant pas de vue l’objectif principal : l’impact !
Aude Serrano (Directrice pédagogique d’Ecopia) a d’ailleurs insisté sur les aspects transdisciplinaire, collectif et nécessairement continu de la formation.
Promouvoir une plus grande résilience démocratique de nos systèmes alimentaires.
De nombreuses voies possibles ont été citées pour avancer vers la résilience alimentaire de nos territoires. La résilience démocratique des systèmes alimentaires et le cadre politique, le rôle des acteurs politiques et la notion de posture des parties prenantes sont questionnés dans cette 3ème table ronde.
Tout le monde est intéressé par le sujet de l’alimentation. Aujourd’hui, les deux tiers de la population française sont touchés, de près ou de loin, par un projet alimentaire territorial (PAT). Ces PAT, qui œuvrent pour un système alimentaire pérenne, sont construits par et pour les acteurs du territoire et sont adaptés à chaque situation, ce qui fait que nous avons aujourd’hui une grande diversité de PAT. L’enjeu est d’intégrer au sein de ces projets, qui lient la production et la consommation, les maillons intermédiaires pour avoir la totalité des acteurs qui travaillent à notre alimentation. L’Etat quant à lui doit favoriser cette diversité et cette adaptation au local.
On est tous collectivement, ici au CNRA, des rêveurs pragmatiques : par l’ambition de changer les choses à toutes les échelles et par les solutions que l’on propose. Nous devons mieux nous connaître pour co-construire une approche intelligente et cohérente sur le territoire «
Guillaume Luu, directeur des affaires publiques chez InnovaFeed.
Les différents modèles alimentaires à l’œuvre doivent être des solutions pour la résilience alimentaire, et ce notamment grâce à l’innovation.
L’identification des bonnes parties prenantes est un élément de performance pour avancer. Il faut mettre autour de la table les meilleurs acteurs en fonction de leur échelle, de leurs procédés mais aussi de leur volonté à avancer tout en les comprenant.
On a cette culture en France de penser qu’on est tout seul ou bien que les grands décident. En réalité, on peut faire beaucoup de choses ensemble ! »
Laelia Benoît, pédopsychiatre, sociologue et chercheuse à l’Inserm et à l’Université de Yale
Il est nécessaire d’aider les initiatives qui vont contribuer à la résilience alimentaire territoriale en mettant en place les bons dispositifs dans les territoires pour qu’ils soient capables de passer à l’échelle. Il existe pour cela des dispositifs comme les Guildes Locales qui permettent à un porteur de projet d’accéder au mécanisme d’appel public à l’épargne si ce projet est destiné à compléter l’effort de résilience alimentaire.
Il ne faut pas opposer pouvoir d’achat et pouvoir d’agir ! »
Freddy Thiburce, co-fondateur de Manger du Sens
Les acteurs du secteur alimentaire sont attendus car la capacité et le besoin d’expression évoluent. Tous les actes sont impliqués à défaut d’être militants. “Nous sommes des êtres sociaux uniques avec 3 casquettes : citoyen, consommateur et mangeur”. Il faut arbitrer tout cela. S’impose donc la nécessité de stimuler la création et l’innovation et cela implique de mobiliser les parties prenantes, de créer des interfaces avec des solutions innovantes, des start-ups.
Nous sommes tous acteurs de la démocratie alimentaire et donc tous des acteurs co-responsables de cette résilience au niveau démocratique de nos systèmes alimentaires.
Conclusion
Pierre Pageot, directeur du secteur transition écologique du Groupe SOS, nous propose de retenir 3 messages en conclusion de cette édition :
- Ne laissons personne au bord du chemin : faisons attention à ce que tous ces nouveaux dispositifs, ces nouveaux produits soient ouverts à tous.
- Ce qu’on fait est désirable et positif donc rendons ces modèles attractifs, c’est une manière de lutter contre l’écologie punitive.
- Sommes-nous à la hauteur des enjeux ? La résilience c’est la capacité à résister à des chocs, ces chocs qui sont de plus en plus réguliers et de plus en plus forts donc il y a une invitation collective à aller plus vite et plus fort ensemble !
Le CNRA est un magnifique outil pour ça !
Les participants à cette deuxième Journée Parlementaire pour la résilience alimentaire des territoires ont beaucoup échangé, débattu, parlé de concret, de solutions qui fonctionnent vraiment dans les territoires et qui n’attendent qu’à être connectées entre elles, mises en lien pour passer à l’échelle. Elles sont nombreuses, elles sont différentes mais elles ont toutes un objectif, un horizon commun : la résilience alimentaire.
Casser les silos, connecter les acteurs, diffuser les solutions pour une vision holistique, voilà vraiment la mission du CNRA qui, vous l’avez comprise, ne se fera pas sans vous !